En 1689, pour financer la guerre contre les pays d’Europe coalisés contre la royauté française, Louis XIV décide la fonte du fastueux mobilier d’argent qui garnissait la galerie des glaces du château de Versailles. Il enjoint la noblesse et le clergé à en faire autant. Pour remplacer leur vaisselle d’argent les aristocrates se tournent vers les faïenciers. C’est le point de départ de l’essor de la faïence stannifère en France.

Dans ce contexte, le fondateur de la fabrique de Saint-Denis-sur-Sarthon, Jean-Baptiste Ruel de Bellisle manifeste une réelle ambition : il veut que les produits de sa faïencerie puissent rivaliser avec ceux de Rouen, Sinceny, Quimper.

Passant des intentions à la réalité il s’entoure de potiers confirmés tel Pierre Pellevé de Rouen qui fut le premier directeur de la faïencerie de Sinceny de 1737 à 1742. Cinq ans à Sinceny, il restera également cinq ans à Saint-Denis, le temps de mettre en place les processus, organiser la production, former le personnel recruté sur place, définir les formes et la typicité des décors. Pierre Pellevé, ne vient pas seul de Rouen, il amène avec lui, Nicolas-Louis Mouton, mouleur de 1741 à 1749, Louis Eloy également mouleur, Jacques Ozout, tourneur. Puis son propre fils Dominique-Pierre Pellevé, peintre, Thomas-Antoine Mouchard, son gendre, également peintre à Rouen, seront recrutés dès 1753.

Image

Les premières pièces sorties des fours de Saint Denis témoignent de cette paternité rouennaise (photo ci-dessus). Dès lors, avec le départ en 1755 de Pierre Pellevé, l’entreprise est suffisamment viable et autonome pour se développer par elle-même. Les directeurs successifs seront tous issus de la fabrique comme Louis Eloy, mouleur qui  succède à Pellevé,  Jacques-René Verrier, ouvrier à l’origine, nommé faïencier en 1756, puis maître mouleur en 1761 fut nommé directeur de 1769 à 1783. Le quatrième directeur Pierre-Joseph Mallet, était peintre à la faïencerie jusqu’en 1784. A sa mort en 1806, Vincent Aillard lui succède, il sera directeur jusqu’en 1844. A partir de 1848, la faïencerie sera louée à Alexandre Rivière qui en était le cinquième directeur. A partir de cette date la famille Ruel se désengage de cette industrie. L’entreprise fermera en 1861.

Image

Sur une période de 110 ans, la faïencerie connut trois propriétaires au sein de la même famille et cinq directeurs. Voilà qui témoigne d’une étonnante pérennité. Cette constance dans l’encadrement se retrouve d’une certaine manière dans le registre décoratif  des pièces qui une fois défini évolue fort peu au cours de ces dizaines d’années qui suivront.

Jean-Bernard Buessard / GEVAC de Normandie