Alexandre Lepetit, un des derniers potiers de Sauxemesnil
- Cotentin
- Servir à table, au champ
Alexandre Pierre Désiré Lepetit, potier au hameau des Rabusquets, à Sauxemesnil. Que sait-on de lui ? Nous n’avons malheureusement trouvé aucune trace écrite sur son activité de potier ; ses descendants conservent des pièces qu’il a fabriquées, lui ou ses parents. Nous avons aussi pu, grâce aux archives municipales et départementales, reconstituer une partie de sa vie.
Il nait le 2 avril 1859 à Sauxemesnil et y décède en 1929.
Il y a donc vécu 70 ans. Il est le fils d’Alexandre Pierre Lepetit (1831-1891), potier lui aussi à Sauxemesnil et de Marie Françoise Lepoittevin (1818-1883), ménagère, fille de potier. Son grand-père François Auguste, né à Gonneville (Manche) en 1803, sabotier et journalier, décède à Sauxemesnil. Son arrière-grand-père, Pierre, né à Gonneville, est cordonnier et sa femme fileuse. Gonneville est à 10 km de Sauxemesnil.
Un mariage entre familles de potiers
En 1880, il se marie, à Sauxemesnil, à Marie Augustine Rosalie Lepoittevin dit Patraille (1860 -1936) descendante d’une lignée de potiers par son père et par sa mère. En effet, du côté paternel, Pierre Auguste (1831- ?) est potier ainsi que son grand-père Pierre Auguste (1791-1866). Du côté de sa femme, on compte 4 ou 5 générations de potiers installés à Sauxemesnil : Louis, au début du 17eme siècle, Etienne (1631-1709), potier « privilégié* », Pierre Etienne (1746-1824), Augustin François… Pour d’autres, le métier n’est pas mentionné.
* Rappel : Sous l’Ancien Régime, le « Privilège » est accordé par le pouvoir royal à un chef de famille qui a ainsi le droit (ou privilège) de prendre de la terre à pots, du bois et de posséder un four. Ce droit était transmissible au fils aîné ou à un autre chef de famille, ce qui explique que l’on trouve des générations de potiers (Les Lepoittevin à Sauxemesnil, par exemple).
Le couple s’installe d’abord au Hameau Mouchel puis au Hameau des Rabusquets en 1889. Sur l’acte de mariage il est déclaré domestique, terme vague qui désigne un employé ; il pouvait être ouvrier agricole ou employé chez un potier, ou les deux. Il sera potier au Hameau des Rabusquets, avec un four. Il exerce aussi le métier de cantonnier garde champêtre dans la commune et à ce titre sa signature apparaît sur les actes d’état civil ; il savait donc lire et écrire. Sur son acte de décès il est déclaré agriculteur. Il a ainsi exercé trois métiers, successivement ou simultanément ; l’activité de potier variant beaucoup selon les saisons.
Alexandre et Augustine sont les parents de 10 enfants, 3 filles et 7 garçons dont 2 seront tués à la guerre de 14-18 : Jean Pierre Auguste en 1916 (21 ans) et Jean Pierre Désiré en 1917 (34 ans, marié et père de 3 enfants). L’aîné, Pierre Auguste (1881) ne vit que 3 mois. Un autre Pierre Auguste, naît en 1887. Arsène Pierre Auguste (1894-1907) meurt à l’âge de 13 ans. Les naissances s’échelonnent entre 1881 et 1905. Alexandre Lepetit appartient à la classe 1879 et est reconnu « bon pour le service » mais est dispensé car un de ses frères est mort en service (cf. le registre matricule de la classe 1879). En 1886, il fait une période au 25ème Régiment de Ligne de Cherbourg puis en 1888, il est déclaré soutien de famille. Grâce à ce registre nous avons son signalement à 20 ans : Taille : 1,64m - Cheveux : châtain clair - Yeux : gris - Front : couvert - Nez : moyen - Bouche : moyenne - Menton : grand - Visage : allongé.
Il cesse son activité de potier avant la première guerre mondiale, comme beaucoup d’autres potiers (vers 1900, selon les dires de son fils Joseph). Avec son décès en 1929, ainsi que celui d’Alexandre Lebas la même année, disparaissent les deux derniers potiers de Sauxemesnil.
Une enquête du professeur de Boüard
Nous retrouvons aussi quelques informations sur son activité grâce à la rencontre entre le professeur de Boüard - créateur du Musée de Normandie - et un de ses fils, Joseph qui est cafetier forgeron à Sauxemesnil. La rencontre a lieu en 1950 ; Joseph a alors 61 ans et son père est mort depuis 21 ans. Il a cessé son activité de potier depuis 50 ans si on se fie aux dires de son fils.
Extrait du journal de route de 1946-1956 de Michel de Boüard. Éditeur : Musée de Normandie, 2009 :
Selon Joseph Lepetit, les deux derniers fours ont cessé leur activité respectivement vers 1900 pour celui des Lepetit situé au hameau des Rabusquets et en 1914 pour celui d’Alexandre Lebas situé au hameau Mouchel. La terre utilisée pour faire les pots venait soit de Sauxemesnil (terre rouge), soit de Négreville (terre blanche). Pour vernir les pots on faisait fondre du plomb puis on le mélangeait à de la cendre ; avec le produit ainsi obtenu on saupoudrait les pots préalablement mouillés d’une barbotine très légère avec une petite lavette. C’étaient surtout les femmes qui s’occupaient de plomber les objets. Certaines pièces étaient décorées en utilisant des moules en bois : christs, vierges, fontaines…
Il précise qu’on fabriquait à Sauxemesnil des pots à forme : la panse du pot préfigurant le veston ou le dolman avec des boutons, le col figurant la tête (pichets marquis). Selon Joseph, son père écoulait ses produits sur le marché hebdomadaire de Saint-Pierre-Église. Toutefois les faîtières étaient mises en vente chez les quincaillers.
Il précise aussi que le métier de potier était héréditaire. Les enfants débutaient à 7 et 8 ans par le charriage de la terre. Des « commis » étaient employés par les patrons potiers ; c’étaient des gens du pays, des journaliers.
Nous avons essayé de retracer quelques éléments épars de la vie de ce modeste potier qui, au fond de son atelier, ne pouvait imaginer qu’un jour un site Internet le ferait sortir de l’ombre… Il aurait aussi été surpris, et fier (?) de voir que ses descendants ont conservé un certain nombre de pièces usuelles qu’il a fabriquées, pièces aujourd’hui devenues inutiles.
Jean Lepetit /AAPG
Outre les marottes pour le montage des bonnets déjà présentées dans un autre article du site (https://ceramique-traditionnelle-en-normandie.fr/article/des-marottes-d…), voici quelques pièces sorties de son atelier et conservés par ses descendants :
Les Rabusquets
50700 Saussemesnil
France
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