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La confrérie des potiers de Ger  

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Ger
Type d'article:
Les ateliers et les familles

Les potiers de la paroisse de Ger se structurent en confrérie dès le Moyen Âge, vraisemblablement au XIVe siècle. Cette communauté, désignée aussi sous le terme de flarie ou de frairie, constitue un groupe d’artisans dont le rôle est de gérer l’organisation et le fonctionnement de la profession. 

Les majeurs, artisans élus qui la dirigent, coordonnent les activités professionnelles et les pratiques religieuses. Maîtres-potiers, épouses, compagnons, enfants représentant plusieurs centaines de personnes dépendent de cette communauté.

Un règlement professionnel - original car élaboré dans un contexte rural - structure la confrérie des potiers sur le plan technique, commercial, social et religieux : il traite des normes de fabrication, des règles commerciales, du fonctionnement de la confrérie et du recrutement de ses membres. Les considérations religieuses, réelles, (devoirs de charité, services funèbres) sont de moindre importance.

 

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Les statuts de la confrérie des potiers de Ger. Copie de 1620 de la confirmation de 1558, des statuts établis en 1520. 1e page.

 

Une association civile professionnelle au sein d’une société religieuse

Lors de la confirmation du règlement des potiers en 1620, quarante-quatre potiers sont présents. Gage d’une industrie ancrée sur le territoire, ils portent les mêmes noms de familles que les potiers qui ont approuvé les statuts du XVIe siècle.

Deux ou trois potiers, solvables et expérimentés, sont nommés comme responsables de la confrérie. Lors de leur élection annuelle, les majeurs prêtent serment afin d’assurer la police du métier.

Responsable financièrement de la bonne gestion de la corporation, ces potiers influents sont garants :

  • de la conformité de la production potière en quantité et en qualité, d’où l’utilisation de marques et de noms de fabrique,
  • du temps de travail : entre la Toussaint (1er novembre) et le premier lundi de mars ; les samedis et durant le mois d’août, la production est interdite sous peine d’amendes,
  • du prélèvement – essentiel – du bois de cuisson de la forêt de la Lande Pourrie,
  • de la régulation commerciale de la production,
  • du mode d’accès à la confrérie : filiation, acceptation par écrit des statuts, paiement d’un droit d’entrée.
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LES STATUTS DE Les statuts de la confrérie. Copie de 1620 de la confirmation de 1558, des statuts établis en 1520 / AD50

 

Les majeurs coordonnent également les pratiques religieuses, omniprésentes au Moyen Âge et encore très présentes sous l’Ancien Régime. Ils ont le devoir de veiller au respect des obligations religieuses des membres de la communauté. La confrérie est fondée en l’honneur de Dieu, la Vierge et tous les saints (dont saint Antoine, patron des potiers de Ger). Les potiers, membres de la confrérie doivent :

  • faire charité de pain le jour de la Fête Dieu (soixante jours après Pâques), c’est-à-dire distribuer du pain aux plus démunis de la paroisse. C’est une mission très importante, dans une région pauvre, où subvenir à sa propre alimentation est difficile,
  • faire dire une messe par semaine pour les membres de la confrérie disparus. C’est un moyen d’ancrer dans le temps la mémoire de la corporation,
  • assurer le service funéraire de chacun des défunts membres de la communauté (époux et épouse) lors des enterrements. La solidarité du groupe joue tout au long de la vie de ses membres.
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Statue de Saint Antoine. Anciennement sur la façade d'une maison potière de l'Être-au-Lièvre à Ger / Coll. MPN Ger

 

Au XVIIIe siècle, la concurrence entre centres potiers 

Au début du XVIIIe siècle, les potiers de Ger voient leur monopole sur les pots à beurre d’Isigny menacé par le centre concurrent de Vindefontaine (Cotentin). Avec l’appui du duc d’Orléans, comte de Mortain,  ils adressent en 1742 une requête en vue d’obtenir, via l’homologation de leurs statuts, un privilège exclusif. En vain ! 

L’enquête alors menée révèle que les potiers se sont affranchis des normes de poids et leurs pots, amincis, sont fragilisés. Sous la pression des clients, excédés d’avoir à payer les pots cassés, les négociants en beurre d’Isigny leur en ont préféré de plus solides ceux de Vindefontaine. De plus, du fait de la proximité de ce centre avec Isigny, les pots sont moins chers. Le jugement, au nom de la libre concurrence, donne raison à ces derniers.  

Les ateliers de Ger se tournent alors vers une clientèle de Bretagne et des pays de Loire.

Au XIXe siècle, un règlement laïc

Avec la Révolution française, les confréries et les corporations disparaissent. 

Un règlement laïc, déposé à la mairie, est cependant élaboré en 1842 pour organiser à nouveau le travail des potiers dont l’activité est florissante à Ger. Celle-ci est notamment due au développement considérable de l’élevage laitier et de ses dérivés. À cette date, vingt-et-une fabriques de poterie où travaillent plus de sept cents personnes sont recensées. 

Outre des normes de fabrication et l’organisation de la communauté, le texte réaffirme la nécessité d’apposer sa marque sur ses produits. Le principe du secours aux pauvres est également maintenu mais n’y pourvoit toutefois plus que le seul produit des éventuelles amendes.

Le maire - alors Gabriel Esneu, maître potier au village du Placître - est chargé du contrôle de la production et de la justice du métier.

Benoît Canu et Alain Talon

Transcription  de la dernière page des statuts 

... Et à ce faire tenir lesdictz frères obligèrent chacun de soy leurs biens et héritages présentz et advenir. Ce fut faict au lieu de Ger à l’issues de la grande messe parrochialle de dimenche, présentz Messire Guillaume Calando, presbtre, vicaire de Ger, Phylippin Postel et Jean Tiercelin.

probant et d’ordonnance pour luy et ses hoirs affin d’héritage et à l’entretien delaquelle ordonnance tousEt après la dite recongnoissance et confirmation ainsi faicte par les dits frères pottiers, ilz nous enrequirent lettre exécuttoire et ratification d’iceux statuz et ordonnance d’icelle conflarye que acordé avons ceste presente à Thomas Robbes Buschers pour lui servir et valloir se qu’il appartiendra comme de faict lesdictz frères chacun de soy en ont obligé et obligent par les moyens predictz tous et chacuns leurs biens meubles et heritages et ceux de leurs hoirs presentz et advenir a prendre et vendre d’office de justice.

En tesmoin desquelles choses, à la relation desdits tabellions, ses presentes sont scellés desdits sceaux, sauf aultruy droict.

Ce fut faict à l’issues de la grande messe parochialle du lieu de Ger, le dixième jour de juillet l’an mil cinq centz cinquante huict, presentz messire Guillaume Chevallier pretre vicaire de Ger, Pierre le Louet sergean et Jean le Roy Herserie, tesmoings, signé Mauger et Robbes nons et paraphes." 

Transcription effectue par Alain Talon 

 

Adresse

50850 Ger
France

48.68538, -0.79307864499998

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