Le kaolin, argile blanche au grain très fin principalement composée de silicates d’aluminium, est à la base de la fabrication de la porcelaine dont les techniques de production n’ont été développées en France qu’à partir de 1768. 

Le gisement manchois

Un important gisement de kaolin est exploité dès la fin du XVIIIesiècle sur la commune des Pieux, sur la côte ouest du Cotentin dans la Manche. Sa forte teneur en alumine (45 %) donnait aux porcelaines une plus grande capacité à résister au feu.

Ce gisement n’est pas continu mais est formé de poches d’importance variable pouvant se situer à dix mètres de profondeur.

Son extraction se fait à ciel ouvert en forant des puits à la main. L’argile extraite est transportée sans transformation vers Valognes par des chariots tirés par plusieurs chevaux. Ultérieurement, l’acheminement vers Bayeux et Isigny se fera par bateaux via le port de Diélette.

Image

Notice sur le Kaolin des Pieux, départ. de la Manche ; par M. HÉRAULT, ingénieur des mines (Mémoires de la Société d’hist. Nat. de Paris ; Tom. IV, p 194). 

         Le bourg des Pieux est bâti sur un monticule, dont le pied est occupé par un schiste argileux verdâtre qui s’appuie vers le sud-ouest sur un grès quarzeux formant la sommité de la butte des Pieux. Les couches de ce grès sont presque verticales, et recouvrent le granite de Tréauville, qui occupe le penchant nord-ouest de la même butte.

         C’est sur ce penchant qu’est située la carrière de kaolin, à droite en arrivant par la route de Cherbourg ; elle s’exploite à ciel ouvert ; l’épaisseur des dépôts de kaolin varie de 1m, 3 à 3m, 6 ; ces dépôts sont contenus dans une argile jaune pâle d’alluvion, et gissent à des profondeurs très variables ; dans la carrière visitée par M. Hérault, le kaolin se trouvait à 8 ou 9 mètres au-dessous du sol.

         L’argile jaune que renferme le kaolin présente, dans sa partie inférieure, beaucoup de petits blocs anguleux de grès quartzeux qui proviennent probablement de celui qui occupe le sommet de la butte. 

         Le kaolin se trouve dans le voisinage des Pieux, de distance en distance, sur un espace d’environ 10 kilomètres. Le terrain de toute cette partie est intermédiaire ; il est à présumer que tout le kaolin provient du lavage par les eaux du granite voisin, qui se décompose très facilement.

         Le kaolin des Pieux, bien épluché, a un grain très fin ; il est d’un blanc assez pur, mais il contient des traces d’oxide de fer qui donnent à la porcelaine une couleur bleuâtre. Presque tout le kaolin des Pieux est employé dans la manufacture de porcelaine de Bayeux ; depuis quelques années seulement on en envoie un peu à Nevers. 

Bulletin des sciences naturelles et de géologie ; tome dix-septième ; Paris, 1829. 

La découverte du gisement

Utilisé traditionnellement par les potiers de Vindefontaine et de Néhou pour les décors de leurs poteries, c’est Jean-Thomas Le Masson qui repère et expérimente le kaolin des Pieux pour produire de la porcelaine.  

En effet, Jean-Thomas Le Masson prend la direction de la faïencerie de Valognes. Créée en février 1792, ses actionnaires viennent de décider sa reconversion en manufacture de porcelaine et envisagent de s’approvisionner en kaolin auprès de Saint-Yrieix (Haute-Vienne), le premier gisement exploité en France. 

Fin technicien et habile entrepreneur, Le Masson aussitôt nommé obtient du Directoire la concession de l’ancien couvert des Cordeliers de Valognes, confisqué comme bien national, et achète les terrains du gisement de kaolin des Pieux dont il avait éprouvé la qualité lors d’un travail de recherche antérieur.

Image

Image

Image

La manufacture de Valognes est créée en août 1793 et produit jusqu’en 1812 lorsque le directeur de l’époque, Joachim Langlois, part pour Bayeux créer une nouvelle manufacture. 

Le gisement de kaolin des Pieux a également fourni la matière première pour les manufactures de porcelaine de Caen (1797-1812), d’Isigny (1839-1845) et bien sûr Bayeux (1812-1951) jusqu’à ce que le gisement soit épuisé en 1928.

D’après l’article de Pierre et Hippolyte Gancel « Les porcelaines de Normandie »,

Parlers et traditions populaires de Normandie, n° 68, 1985.