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Rien de plus primitif !

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Poterie Dumaine à Ger début XXe s.
Localisation:
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Ger
Type d'article:
Les ateliers et les familles

René Jouanne, archiviste de l’Orne, éminent membre de la Société historique et archéologique de l’Orne effectue, le 29 août 1923, une communication auprès de ses collègues lors d’une séance solennelle tenue à l’Hôtel de Ville de Domfront. Il relate une visite de ladite société « à cette industrie primitive si curieuse »que sont alors les deux derniers ateliers potiers de Ger (Manche), ceux de Louis Dumaine à la Basse-Louverie et de Pierre Théot à l'Être-au-Lièvre.

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La fabrique de poterie Pierre Théot à l'Être-au-Lièvre au début du XXe s. / CPA Coll. MPN

 

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Louis Dumaine (né en 1875) au tour à bâton, dernier potier de la fabrique et marchand d’engrais à la Basse-Louverie (Ger), de 1911 à sa mort en 1926 / Coll. MPN

 

Le compte rendu de cette visite dans le bulletin de 1924 mentionne : « Les excursionnistes furent très intéressés par le travail des ouvriers et par des explications quelquefois… saugrenues. Cette visite laissera un souvenir amusant dans la mémoire de ceux qui y assistèrent ». Il y est rappelé que « le dicton peu connu de Ger est assez amusant même malicieux : 

Ger en Jéricho

Où qu’les hommes font des pots,

Et les femmes des sots !! »

C’est une chose très curieuse

Il rappelle, dans son intervention, un récent courrier de « notre érudit ami, M. G. Hubert, domfrontais de naissance, de cœur, d’esprit et de science »

« Je suis allé la semaine dernière à Ger… C’est une chose très curieuse à visiter car la fabrication, la cuisson, les fours n’ont pas changé depuis des siècles. Vous ne pouvez imaginer rien de plus primitif ! On est fabricant de père en fils ; on ne fait rien pour améliorer ou augmenter la fabrication ou le rendement. J’ai été extrêmement bien reçu par Dumaine et par Théot… »

S’en suit une description détaillée de la technique et des productions témoignant cependant, de la part de ces « savants » d’une méconnaissance de la spécificité du grès concernant l’absence d'émaillage : « … N’allez pas croire qu’on prend les pots un à un et qu’on y passe un vernis approprié à l’aide d’un pinceau ; non ; c’est trop compliqué. Voici comment on procède : le four étant encore chaud, on jette dans le feu du sel de cuisine, et on l’active ensuite ; il se forme un enduit vernissé sur les pots ; ça ressemble à des bavures ça n’est pas uniforme, mais ça s’est toujours fait comme ça ! »

L’article se poursuit par la description des familles potières, de leur histoire, de la carrière d’argile et de la confrérie. « La corporation des potiers de Ger a donc des lettres de noblesse les plus authentiques ; elle plonge ses racines dans le passé le plus lointain… ».

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Entête d'une facture de la poterie de Pierre Théo en 1922.

 

Un discours entre respect et condescendance

On perçoit dans le discours de ces érudits locaux des sentiments très paradoxaux vis-à-vis de cette industrie « primitive si curieuse » : la foi dans le progrès le rend condescendant tout en regrettant des valeurs ancestrales perdues ; des sentences moralisatrices côtoient une fascination pour le travail manuel et la glorification des valeurs normandes.

R. Jouanne conclut ainsi son article de façon édifiante : 

« La survivance à travers plus de trois cents ans de la dynastie des Théot et des Dumaine est le témoignage hautement affirmé d’une race qui ne veut pas mourir. On célèbre à l’envie, aujourd’hui, la fidélité à la terre. La fidélité de l’artisan au métier, pour être plus rare, n’en est que plus estimable.

Certes, on ne saurait trop blâmer l’hostilité de ces potiers à l’idée de progrès. Mais leur tradition de simplicité, de continuité dans l’effort, de conscience dans les transactions, est aussi un enseignement précieux, et une leçon que patrons et ouvriers d’aujourd’hui peuvent méditer avec fruit, à une époque où trop souvent l’idée de droit prend le pas sur celle de devoir. »

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Louis Dumaine (1875-1926) et Victorine Théot se marient le 24 août 1903. Les deux dernières familles de maîtres potiers s’allient encore poursuivant, jusqu’à la fin de l’activité potière, l’endogamie sociale et professionnelle qui permet de maintenir et de conforter l’existence de la communauté / Coll. particulière.

 

Trois ans après cette visite mémorable, en 1926, Pierre Dumaine meurt. En 1927, la veuve Théot fait cuire les dernières poteries de Ger.  

Image en entête : la cour de la poterie Dumaine à la Basse-Louverie / CPA début du XXe s. / Coll. MPN

F. Toumit / AAPG 

source : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5774681c/f93.image

Adresse

L'Être-au-Lièvre
50850 Ger
France

48.676132469161, -0.83112080947467

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