Quand la tirelire nous livre l'histoire de sa propriétaire ...

Comme l’expliquait si justement Jean-Jacques Bertaux dans l’ouvrage « de l’usuel à l’inutile » :

La tradition des tirelires en terre est ancienne, même si les exemples médiévaux sont rares puisque, par définition, la tirelire est destinée à être brisée une fois pleine. Il n’y a guère davantage de tirelires des derniers siècles, pour la même raison sans doute. Quelques exemplaires ornés ont peut-être été conservés en raison de leur décor.

La tirelire

C’est effectivement le cas pour cette imposante tirelire en grès. Tournée et non moulée, en forme de sphère aplatie posée sur un pied-calice, cette tirelire est typique des productions décorées du Tronquay et de Noron-la-Poterie. Son décor est plus sobre que ce que l’on peut trouver sur les fontaines et pichets. Une série de 8 étoiles entoure la fente, une seconde ligne circulaire comporte la date 1890, ainsi qu’en lettres gothiques, les nom et prénom de la destinataire en l’occurrence Aline Flochard, le tout réalisé à l’emporte-pièce dans une terre blanche appelée kaolin. Lorsque l’on retourne la tirelire, on peut y voir une nouvelle fois la date mais aussi, sous la glaçure, une dédicace de circonstance : Souvenir d’un ami

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Sa propriétaire et sa famille

C’est justement au Tronquay, canton de Balleroy, arrondissement de Bayeux, que nous retrouvons la trace de notre Aline Flochard. Celle-ci y voit le jour à la toute fin de l’été 1889, le 15 septembre précisément. Trois ans et demi plus tôt, le 28 janvier 1886 ses parents, Pierre Delphin Flochard et Aline Félicité Legallois se sont mariés à Agy, commune située au Nord de Noron-la-Poterie. Lui exerce le métier de potier au Tronquay, lieu dit La Tuilerie et elle, celui de blanchisseuse. Lorsque naît le second enfant, un garçon prénommé Désiré Arthur Camille, le 14 Janvier 1895, la famille n’habite plus au Tronquay mais non loin de là, dans le hameau voisin Noron-la-Poterie. Pierre Delphin y a trouvé une place d’ouvrier potier chez Pierre Marie. L’arrivée de deux autres enfants permettent à la famille de s’agrandir, une seconde petite fille Louise Augustine née le 6 août 1898 et à nouveau un petit garçon, Maurice Alain Charles né le 14 octobre 1901. Dans les années qui suivent, la famille Flochard repart vivre au Tronquay. Cette fois Pierre Delphin travaille chez un potier du nom de Gustave Gohin, puis par la suite pour Arthur Moussel et ce jusqu’à sa mort en Mai 1914. Huit ans auparavant, sa femme Aline Félicité Legallois est décédée le 30 septembre 1906, elle était alors âgée de tout juste trente-six ans.

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D’Aline Mathilde Flochard, nous ne savons pas grand-chose de sa vie hormis qu’elle a quitté le foyer familial  avant l’âge de dix-sept ans. En effet son prénom n’apparaît plus dans le recensement de la commune du Tronquay de 1906. C’est en 1911 qu’on la retrouve à Sceaux, département de la Seine, où elle exerce le métier de brocheuse. Elle y rencontre un typographe, Georges Louis Camus, divorcé d’Alexandrine Françoise Charlotte Roos, avec qui elle se marie le 13 mai de cette même année et emménage au numéro 38 de la rue de Houdan. Avec les évènements tragiques qui suivront quelques années plus tard, nous ne savons pas ce qu’Aline Mathilde Flochard deviendra. Aura-t-elle des enfants ? Où et quand décèdera-t-elle ? Le futur nous aidera peut-être un jour à faire parler le passé.

Qui en est l'auteur ?

Pour en revenir à notre tirelire, étant potier, nous aurions pu croire qu’elle fût offerte à Aline Mathilde Flochard par son père à son premier anniversaire, mais l’inscription « ami » gravé en dessous nous indique que ce n’est pas le cas. Difficile d’avoir des « amis » lorsque l’on est âgé d’un an. Peut-être pouvons-nous supposer qu’il s’agit d’un ami de ses parents ? A leur mariage étaient présents et témoins, Jules Daguet et Eugène Guilbert, tous deux potiers au Tronquay.

Sébastien Girot

GEVAC de Normandie