Les trompes-couillons de Ger
- Mortainais Domfrontais
- Les usages domestiques
Ah qu’il est bon de rire parfois ! Rien d’étonnant donc que nos ancêtres aimassent les bonnes blagues. Et quoi de mieux qu’un objet à partager en société pour générer une situation cocasse. Que sait-on sur ce qui faisait rire autrefois dans nos campagnes ? Les potiers ont contribué, à travers l’histoire, à façonner divers objets pour piéger les innocents. On les désigne parfois sous le terme de « trompe couillon ». Mais ce terme ne se limite pas à une forme ou une fonction.
À boire…
Avec les objets à boire, la facétie consiste en ce que le liquide contenu se répande sur la personne piégée plutôt qu’il ne soit bu. La présence de trous sur la poterie, en apparence inutiles ou décoratifs, ne permet pas de verser le liquide mais seulement de l’aspirer. Prétexte à des jeux de d’auberge ou de banquets, ces pots trompeurs ou pots à surprise, en patois trompous, participent d’une convivialité traditionnelle reposant sur l’adresse et l’intelligence des participants.
... et à priser !
Pour la poterie de Ger, on connait à ce jour deux types d’objets à caractère humoristique. L’un est une petite tabatière anthropomorphe, parfois désignée sous le nom de « père la colique », qui fait l’objet d’un autre article sur ce site : https://ceramique-traditionnelle-en-normandie.fr/article/les-peres-la-c…
L’autre est un « trompe couillon ». Encore un objet lié au tabac puisqu’il s’agit d’une tabatière en forme de boulet de charbon, dite « secouette », à laquelle on a rajouté plusieurs autres cols factices, collés à la barbotine. La secouette est tournée comme une petite bouteille puis pressée dans un moule pour lui donner sa forme de boulet de charbon.
Sur l’exemplaire ci-dessus, le corps fait 6 cm de diamètre et 9 cm en tout avec les cols, pour une épaisseur maximale au centre de 3 cm. Les ouvertures sont ici réduites par du liège et bouchées par des chevilles en bois.
Avant d’être consommé en cigarette, le tabac était fumé à la pipe, prisé (inhalé en poudre) ou chiqué (mâché).
Cette secouette ou « pétunier » (de l’ancien nom du tabac, le pétun) est un objet que l’on se passait lors d’un repas ou d’une réunion quand on proposait aux convives du tabac à priser. La facétie résidait dans le fait qu’un seul des bouchons pouvait délivrer du tabac. Le but du jeu était donc de trouver le bon pour bénéficier d’une bonne prise ! Cet article ne fait pas la promotion du tabac !
Cet objet est cité dans l’article rédigé par l’instituteur Mauger alors à l’école de Ger, paru dans l’Annuaire de l’Enseignement Primaire de la Manche de 1904, p. 215 :
Objets fabriqués. - Très nombreux et très divers les articles de poterie fabriqués à Ger ! (…) Le régiment de petits objets de poterie est constitué par les « secouettes » en forme de poire aplatie et destinées à servir de tabatières aux priseurs de nos campagnes. Il y a même l’article fantaisie : la secouette aux huit ouvertures, dont une seule laisse échapper le tabac et qui fait l’embarras de plus d’un chercheur…
Si, comme le décrit l’article ci-dessus, on rencontre plus généralement des tabatières à huit ouvertures, il en existe également avec six seulement.
Jean Tiercelin / AAPG
50850 GER
France
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